Histoire de l’Argentine : portrait et vie d’Evita Perón

Eva Perón, épouse du général Juan Perón qui présida l’Argentine (de 1946 à 1955 puis de 1973 à 1974), connut une trajectoire de météore.

Actrice, syndicaliste et femme politique, elle n’a que 33 ans lorsqu’elle disparaît en 1952, emportée par un cancer foudroyant du col de l’utérus.

La popularité de celle qui n’aura cessé de se battre pour la cause des plus démunis est alors immense. Elle l’est encore aujourd’hui : Evita, comme l’appellent affectueusement ses compatriotes, est l’une des icônes de l’Argentine (à l’image de Carlos Gardel ou de Diego Maradona), et son image de madone des pauvres est intacte auprès d’une population qui lui voue un véritable culte.

 

L’ascension irrésistible d’une provinciale

Eva Peron naît le 7 mai 1919 à (ou dans les environs de) Junín1 sous le nom d’Eva Duarte, elle est la dernière des cinq enfants d’une famille provinciale aisée. Au début de l’année 1926, son père décède dans un accident de voiture, laissant sa femme et ses cinq enfants sans ressources. La mère d’Eva devient couturière afin de subvenir aux besoins de sa famille.

En 1935, Eva a 15 ans : elle quitte sa famille pour rejoindre la capitale, Buenos Aires, où elle rêve de devenir actrice. Elle s’initie au métier de comédienne et se fait un nom, au théâtre, à la radio, au cinéma.

En 1943, premier acte de son engagement politique, elle participe à la fondation de l’Asociación Radial Argentina (ARA), premier syndicat des travailleurs de la radiodiffusion, dont elle est élue présidente l’année suivante.

La même année 1943, un coup d’État éclate peu avant les élections : le général Pedro Ramirez prend le pouvoir et nomme le colonel Juan Perón, un militaire alors inconnu, ministre du travail.
Après qu’un tremblement de terre a ravagé la ville de San Juan en 1944, le colonel Perón fait appel à la mobilisation nationale pour reloger les milliers de sans-abris. Il reçoit alors le soutien de nombreux acteurs et vedettes, dont Eva Duarte, qu’il rencontrera lors du gala de clôture au Luna Park, mythique salle de sport de Buenos Aires. Leur liaison deviendra officielle cinq mois après leur rencontre.

Le 10 décembre 1945, le colonel Perón épouse Eva Duarte qui devient alors, selon la tradition argentine, Eva Duarte de Perón.

Deux mois plus tard, en février 1946, le colonel Perón est élu président de l’Argentine, après une campagne électorale à laquelle Eva participe très activement.

 

Une première dame au rôle inédit

Devenue première dame, Eva Peron continuera de jouer un rôle de premier plan.
Sans pour autant être pourvue d’une fonction officielle, elle s’investit dans les affaires de l’État, et crée une fondation d’aide aux plus démunis, les descamisados (les sans-chemise).
Construction d’hôpitaux, d’asiles, d’écoles, de camps de vacances, ou encore promotion de la pratique du sport, bourses d’étude et aides au logement : à travers cette fondation, Evita s’impose comme l’ambassadrice du peuple.

Eva Peron sera aussi le portevoix de la cause des femmes. Elle jouera notamment de toute son influence pour que soit adopté, en 1947, le droit de vote pour les femmes, puis réclamera l’égalité juridique des conjoints, qui sera mise en œuvre par une modification constitutionnelle en 1949.

En 1949 toujours, elle fonde le Parti Péroniste Féminin, qu’elle présidera jusqu’à sa disparition.

Enfin, dans la lutte pour les droits sociaux et les droits des travailleurs, elle fait office de passerelle directe entre son époux et le monde syndical.

Le nom et l’image de la première dame sont absolument partout, et rien ni personne ne semble être en mesure de contrarier une légende en marche, pas même les accusations d’accointance avec les dictatures fascistes d’Europe2.

 

Une carrière politique inachevée

1951 sera l’année des premières élections présidentielles au suffrage universel direct, le mouvement ouvrier suggère naturellement sa candidature à la vice-présidence.
Elle décline la proposition le 31 août, qui est connu comme le jour du renoncement.
D’une part en raison de réticences au sein du parti péroniste (une femme, qui plus est appuyée par le syndicalisme, au pouvoir exécutif ? vous n’y pensez pas !). D’autre part, et surtout, parce que son état de santé s’est déjà considérablement dégradé.

Le 26 juillet 1952, la maladie emporte Evita, tout un peuple est en deuil.
Les funérailles sont à la hauteur du personnage : glorieuses et grandioses.
Juan Perón décide de faire embaumer le corps de sa femme afin que son image reste dans les esprits et que la population puisse se recueillir sur sa dépouille, exposée au siège de la CGT (Confederación General del Trabajo).

A partir de 1953, le régime politique péroniste commence à vaciller, il est définitivement renversé en 1955 par un coup d’Etat militaire. Peu de temps après, le nouveau pouvoir fait dérober le corps embaumé d’Evita, afin éviter qu’il ne devienne un possible symbole pour les opposants. S’en suivent plus de 20 années de « cache-cache » durant lesquelles le corps sera transporté de cachette en cachette, en Argentine, puis … en Italie, on n’est jamais trop prudent.

De multiples organisations (dont celle des Montoneros, guerilleros luttant contre la dictature) réclament le retour de la dépouille, qui se produit finalement en 1974.
Le cadavre de la madone argentine est depuis enterré au cimetière de la Recoleta de Buenos Aires, où sa tombe fait partie des plus visitées et fleuries.

A Buenos Aires toujours, c’est tout un musée qui lui est consacré, le Musée Evita – dans le quartier de Palermo – exposant des photos et des objets lui ayant appartenu.

Un film a même été tourné, mettant en scène Madonna dans le rôle d’Eva Peron, pour rendre hommage à la personnalité complexe de cette dernière, qui a su toute sa vie entretenir le mystère qui entourait sa personne.

1 L’acte d’état civil indiquant qu’Eva Peron naquit dans la ville de Junín est unanimement considéré comme un faux. Elle serait née dans un bourg des environs, probablement « Los Toldos », en milieu rural.

2 Pour Nicholas Fraser et Marysa Navarro, biographes du couple présidentiel, les Perón auraient été des admirateurs du fascisme (pour preuve la visite qu’Evita fait au dictateur Franco en 1947). Au-delà des soupçons d’accointance, certains questionnent même le rôle joué par le couple Perón dans la fuite d’anciens nazis en Argentine. Ont-ils été des complices bienveillants ? Ont-ils proposé des solutions de « disparition »? Rien ne le prouve …