La culture du mate en Argentine
Par Mélodie Vanesse
Plus qu’un symbole, le mate (en français, maté) est considéré en Argentine comme une véritable religion. En ville comme à la campagne, on le boit sans modération à toute heure de la journée. Alors que les gauchos le considèrent comme un allié de taille grâce à ses propriétés coupe-faim et excitantes, il contribue aussi au lien social comme symbole de partage et de convivialité.
Surnommé « l’infusion nationale », le mate est obtenu par infusion des feuilles de la yerba mate (Ilex Paraguariensis).
Origine et histoire
Impossible de dater exactement la découverte des vertus du mate par les Guaranis. L’on sait toutefois qu’il s’agissait de l’une des bases de l’alimentation des indiens qui mâchaient les feuilles lors de leurs longues marches en forêt ou qui les transformaient en boisson.
Les Guaranis l’utilisaient tant comme lien social, qu’objet de culte et monnaie d’échange avec les peuples araucans, charrúas et incas.
Les conquérants espagnols découvrirent l’usage et les vertus du mate grâce aux Guaranis et amplifièrent son commerce. Puis ce fut au tour des jésuites de découvrir la plante. Ils furent les premiers à s’initier à sa culture et à découvrir le secret de sa germination : pour se développer, les graines doivent d’abord passer par le système digestif de certains oiseaux, notamment le toucan.
Lorsqu’à la fin du XVIIIe siècle les jésuites sont expulsés, ils emmènent leurs secrets avec eux et abandonnent les plantations. On peut aujourd’hui dire qu’ils jouèrent un rôle prépondérant dans la découverte et la connaissance du mate en Europe, alors surnommé le « thé des jésuites ».
Une cinquantaine d’années plus tard, Aimé Bonpland, naturaliste français, étudie de près la culture et les usages de la yerba mate et finit par percer le mystère de la germination. Il emportera malheureusement le secret dans sa tombe en 1858.
La découverte définitive du secret de germination des graines de mate interviendra au tout début du XXe siècle. Cette période marquera également le début de la culture moderne du mate que l’on connaît toujours aujourd’hui.
Différents essais de cultures ont été réalisés en Asie, en Amérique du Nord ainsi qu’en Afrique sur des terres présentant les mêmes caractéristiques que les terres d’origine du mate mais tous ont échoué. Au fil des siècles, la culture de la yerba mate est ainsi restée confinée dans ses régions d’origine que sont l’Uruguay, le Paraguay, la province de Misiones et le nord de Corrientes en Argentine, ainsi que le sud-ouest du Brésil, leur climat tropical humide offrant les conditions exclusives et indispensables à la croissance du mate, qui représente une source de richesse inestimable pour les habitants.
De la culture à la transformation
Le mate est un houx tropical qui ne pousse naturellement que dans la jungle entre le nord des plaines argentines et le sud de la forêt amazonienne. A l’état sauvage, l’arbre devient adulte en une trentaine d’années : il mesure alors aux alentours de 15 mètres et fleurit d’octobre à décembre. En culture, il ne mesure que 4 mètres en moyenne et conserve sa forme d’arbuste.
Obtenus grâce à la germination de graines sélectionnées, les plants sont ensuite placés en pépinière puis plantés dans un sol riche en minéraux. Il faudra ensuite attendre quatre ans avant les premières récoltes. Les jeunes branches sont alors coupées puis triées entre avril et août et disposées sur une grande toile. En moyenne, une plante produit aux alentours de 20 kilos de feuilles fraîches par an. Les travailleurs n’ont que 24 heures maximum après la récolte pour transformer les feuilles en mate avant que ces dernières ne commencent à fermenter. Les feuilles sont pré-séchées par exposition à un feu vif pendant une trentaine de secondes, puis séchées et légèrement torréfiées. Après cette étape, il ne reste plus qu’un tiers du poids initial de la récolte.
Les feuilles de mate sont ensuite broyées puis stockées dans un sac durant au moins un an. C’est ce que l’on appelle la période de maturation, celle qui permet d’obtenir un arôme caractéristique et des saveurs intenses.
Après avoir été assemblées puis conditionnées, les feuilles de mate sont ensuite vendues aux locaux sur les marchés et dans tous les supermarchés argentins.
Vertus du mate
Il y a de nombreux siècles, les Guaranis l’utilisaient déjà pour ses propriétés stimulantes et fortifiantes. Il faut dire que ce coupe-faim naturel permettait de lutter efficacement contre la fatigue.
On sait aujourd’hui qu’il possède également des propriétés diurétiques et laxatives et qu’il aide à soulager les rhumatismes et les migraines. Grâce à son fort taux de matéine (chimiquement identique à la caféine), il stimule l’activité du cerveau et dynamise le corps tout entier. Il contient en effet 1% de caféine, soit plus que le thé et moins que le café. Il s’agit donc de la boisson idéale pour lutter contre la fatigue.
La yerba est également une excellente source de vitamine B et de minéraux, elle offre un important pouvoir antioxydant et agit contre le cholestérol.
La symbolique
Chez les Guaranis, la yerba mate était à la fois une plante médicinale et une base importante de leur alimentation. Ils la consommaient en la mastiquant ou sous forme d’infusion grâce à des pailles fabriquées avec des roseaux. Mais au-delà de son usage médicinal et nutritionnel, elle servait aussi d’offrande lors des cérémonies rituelles. A l’époque, les Guaranis la considéraient comme un cadeau des Dieux. Boire la sève des feuilles de mate revenait alors à boire la forêt elle-même.
C’est la boisson proposée en priorité dans toute réunion sociale. Mais attention, il convient de respecter les règles de préparation et de consommation traditionnelles. Le mate se boit dans un mate, généralement une calebasse (courge) creusée puis séchée, à l’aide d’une bombilla (paille métallique équipée d’un filtre).
Aujourd’hui, le mate sert avant tout de lien social en Argentine. Il soutient les gauchos dans leur rude labeur, il fait passer le temps et anime les cercles sociaux. Boire un mate en Argentine, c’est partager un bon moment généralement improvisé et s’engager dans les fameuses « charlas », les longues discussions. A l’inverse, refuser un mate revient à sortir du cercle.