Comment connaître la culture argentine, que vous souhaitiez faire un exposé sur l'Argentine, un voyage en Argentine ou tout simplement en savoir plus sur la culture et le peuple argentins.
Photo de couverture: Main de Bibiana, née dans la Pampa (c) Céline Boyer / ateliers Henry Dougier
Par Justine Schmutz
On fait parfois une rencontre idéale – on tombe sur une phrase qui nous transporte le cœur et la tête et l’on se dit « incroyable, c’est exactement ce que je vis ! » C’est ce qui s’est passé pour moi, expatriée française au fond de la Patagonie, à la lecture du livre Les Argentins – lignes de vie d’un peuple, des éditions Ateliers Henry Dougier (fondateur des éditions Autrement).
Ce n’est pas un guide de voyage sur l’Argentine – pour avoir des informations utiles, je vous invite plutôt à consulter nos pages dédiées aux infos pratiques. C’est en revanche un grand bain de culture argentine, une lecture facile, fine et très vivante, dressé par la journaliste Alice Pouyat qui a vécu 5 ans en Argentine.
Les ateliers Henry Dougier ont pour vocation d’être des passeurs d’idées et d’émotions, des créateurs de concepts et d’« outils » incitant au rêve et à l’action [et de] raconter [tout] ce qui est susceptible de nous réveiller, de briser la glace en nous, de réenchanter nos vies. Leur collection sur les peuples du monde plonge dans l’histoire et la culture d’un pays ou d’une région, au-delà des clichés habituels, en donnant la parole aux principaux intéressés.
À Terra Argentina, on cherche à faire connaître l’Argentine authentique, telle qu’on la vit au quotidien. Plus qu’un simple métier, c’est un engagement fort de notre petite équipe d’amoureuses de l’Argentine – faire voyager en-dehors des sentiers battus et rencontrer les habitants de notre grand pays. Parce qu’un voyage en Argentine peut vous transformer à travers les rencontres que vous allez faire.
Alice Pouyat a la même intention, et le même amour que nous à transmettre:
“Chers Argentins, je le confesse, ce livre est un peu une déclaration d’amour. Après cinq ans passés chez vous, queridos argentinos, je sens que je suis un peu des vôtres, que votre pays est un peu le mien… Ce livre n’a pas la prétention de rendre toute cette complexité, ni d’être un livre d’histoire. Il partage des rencontres avec des Argentins d’aujourd’hui qui, je l’espère, donneront envie aux lecteurs de vous connaître un peu plus et de vous aimer, autant que moi.”
En interrogeant une galerie de personnages typiques, Alice Pouyat nous transporte plus sûrement qu’un film et nous dévoile tout l’éventail du caractère argentin, contradictoire, chaleureux et aussi contrasté que ses paysages. Vous ferez connaissance au fil des pages avec un roi de l’agrobusiness, un sociologue, un directeur de radio rurale, un réalisateur de cinéma, un représentant des Qoms qui lutte pour son peuple…
Sur place, nous reconnaissons à chaque chapitre des situations, des personnes et des expériences particulières de notre vie argentine. Alors vraiment, je ne saurais trop vous inviter à acheter ce livre et le glisser dans la valise avant votre voyage en Argentine – ou mieux encore, le lire avant d’arriver et vous amuser à repérer au fil des rencontres, les portraits dressés avec humour et tendresse par l’auteure.
Bon à savoir avant de partir en Argentine - un pays contrasté
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Partir en Argentine pour rencontrer nos lointains cousins – métissages, exotisme et familiarité
L’Argentine est exotique, lointaine mais aussi plus familière qu’il n’y paraît.
En 1914, la moitié des habitants de Buenos Aires sont nés à l’étranger. Aujourd’hui, 90% des Argentins ont un ancêtre européen. Un dicton célèbre d’Octavio Paz dit que “Les Argentins sont des Italiens qui parlent espagnol et se prennent pour des Français”. On trouve sur le territoire argentin des racines européennes avec une variété qu’on ignore souvent : des paysans italiens ou gallois fuyant la misère, des intellectuels juifs tout autant que d’anciens nazis.
Et pourtant, les Andes, la Pampa et les Forêts du Parana coulent bien dans le sang des Argentins modernes : “une équipe de l’université de Buenos Aires a effectué des tests ADN sur un panel de citoyens et 50 % d’entre eux avaient un gène propre aux peuples amérindiens…Cela change beaucoup l’image des Argentins « qui descendent des bateaux » !
Premier contact avec l’Argentine pour les voyageurs, après la police des frontières étonnamment souriante et aimable : le chauffeur de taxi, « un chauffeur qui demande […] d’où l’on vient, et conte volontiers d’où il vient. Il évoquera sûrement ses ancêtres italiens, espagnols ou ukrainiens. Peut-être lancera-t-il même quelques mots d’allemand, ou osera-t-il une chanson en français. ». Je me rappelle encore de mon premier taxi. Qui après m’avoir déposée à l’hôtel m’avait remis son numéro, des recommandations de grand-mère inquiète, et chantonné Edith Piaf avant de louer « Paris » en roulant le rrrrr – tout en gesticulant comme mes amis napolitains.
Je pensais être au pays des Andes et du folklore, j’ai compris que c’était plus complexe que ça!
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La terre en partage
En Argentine, vous pouvez rouler 10h sans voir âme qui vive – ni ruines ni antenne parabolique, aucun sentier pour accrocher le regard. Le territoire s’étend sur des distances qui nous dépassent. Une estancia peut contenir un lac entier, parcourir son domaine prend 3 jours – une folie des grandeurs qui date de l’époque des troupeaux immenses de Patagonie. Aujourd’hui, les troupeaux sont plus petits ou ont disparu, les espèces locales se réintroduisent peu à peu, mais la démesure des domaines perdure.
La terre en Argentine est fertile et le pays est riche en ressources naturelles – depuis le début de son histoire, le territoire argentin se partage entre petits et grands, entre premiers arrivés et nouveaux habitants. Les grandes fermes agricoles sont devenues les championnes de la culture du soja, qui représente environ 50% des terres cultivées du pays. Un des plus grands gisements de gaz de schiste au monde se trouve dans le nord de la Patagonie à Vaca Muerta, site revendiqué par des familles mapuches qui l’utilisent comme site de pâturage depuis le début du XXe siècle. Et dans tout le pays, des luttes contre l’exploitation minière et pétrolière apparaissent, comme à Famatina, tout petit village qui a mobilisé jusqu’au Pape dans sa lutte contre les multinationales. Les enjeux sociaux et environnementaux du monde moderne se lisent à même les paysages.
Ce qui va vous surprendre en Argentine
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La diversité du territoire argentin
Les régions et les villes ne se ressemblent pas – et chacune a ses traditions et sa culture. Des territoires des communautés indigènes aux estancias des grands propriétaires fermées au public, en passant par des bidonvilles… L’Argentine ne se dévoile jamais complètement – il y a des lieux secrets, des lieux perdus, des lieux sacrés. Il faut prendre le temps de découvrir chaque région en profondeur pour la connaître.
L’architecture historique est souvent coloniale et européenne, puisque les peuples originaires étaient surtout nomades, ou construisaient en matériaux naturels et assez peu en pierres. En Patagonie, on peut voir des moulins gallois, des chalets bavarois, mais aussi des fermes mapuches. Le français Charles Thays a conçu certains parcs de Buenos Aires selon un modèle européen, les places principales de Salta et Mendoza ressemblent à celles de Grenade, mais les villages andins ont des maisons en adobe traditionnel. Ces mélanges donnent des villes assez hétéroclites, et l’on devine facilement quels quartiers se sont construits à quelle époque et selon quelle tradition.
Chaque région ayant son propre climat et sa culture, il existe une identité locale très forte. On a l’impression de parcourir plusieurs pays en un, pas seulement en termes de paysages mais aussi d’accents, de gastronomie et de culture régionale. Les forêts tropicales de Misiones donnent un cadre de vie radicalement différent des plaines de la steppe de Patagonie. Les Guaranis n’avaient pas les mêmes traditions que les Mapuches ou les Selk’nam, et chaque Argentin est souvent fier d’annoncer d’où il vient et de revendiquer que les meilleures empanadas sont celles de chez lui.
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Une culture commune argentine – Sarmiento, Maradona et Freud
Face à une si grande diversité culturelle et géographique, de quoi est faite l’identité commune argentine? Au fil des portraits, chacun apporte sa réponse. L’école, gratuite pour tous depuis 1884, a été un facteur clé d’unité nationale et un vecteur de progression sociale très important pour les descendants des peuples originaires et des premiers colons, souvent d’origines modestes. Le service militaire obligatoire jusqu’en 1995 a réuni des générations d’Argentins. Les traditions patriotiques jouent un rôle important – les écoles célèbrent encore aujourd’hui la journée de l’indépendance, de la révolution, etc. Les Argentins partagent aussi des icônes communes – Maradona, Gardel, Gauchito Gil, Favaloro…
Le Football est un puissant marqueur d’identité et d’unité – au niveau local, dans les clubs de quartier, et au niveau national. Pour faire connaissance on demande vite “et toi, de quel club es-tu?”. Les matchs réunissent toutes les classes sociales, toutes les générations.
Plus surprenant, les questionnements des nouveaux arrivants et la construction d’une identité collective ont encouragé l’essor de la psychanalyse – c’est le pays qui possède le plus de psychologues par habitant au monde, même si la thérapie est surtout en vogue à Buenos Aires et un peu moins visible dans les provinces de “l’Intérieur”.
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L’esprit d’aventure des pionniers – du gaucho à l’entrepreneur
La Patagonie, la Pampa, Salta… un point commun: l’horizon infini. Et au milieu des déserts, parfois, un peuplier, une girouette, une ferme isolée. Un mode de vie rurale très rude, érigé en symbole de l’identité nationale. Les pionniers sont venus chercher une vie meilleure dans ces territoires semi-désertiques, que les sanglantes campagnes du désert ont vidé de leurs habitants d’origine au 19e siècle. Ils ont parfois dû détourner des rivières pour l’accès à l’eau, sortir les pierres une à une pour planter quelques pommes de terre… S’installer demandait bien des ressources.
Les gauchos, cowboys argentins du 18e siècle veillant sur les immenses troupeaux dans la pampa, sont d’abord des européens assez pauvres et métisses, à la réputation douteuse. Ils sont solitaires, règlent les conflits à coups de couteaux et boivent pour se réchauffer sous leurs ponchos… Mais ils sont aussi endurants, parcourant sans relâche les domaines de 5000 hectares pour guider les troupeaux, solidaires, et défendent la patrie lors des guerres d’indépendance et contre les indigènes. Dans ce pays très urbain (92% de la population vit dans les villes), la figure rurale et sauvage du gaucho incarne “des valeurs de liberté, d’indépendance, de courage, de générosité, proche de la nature”.
La radio est encore souvent le seul moyen de communication dans les zones rurales. Le directeur de la radio LU20 à Trelew s’amuse « On y apprend qui est mort, qui se marie, qui déménage. C’est un peu le Facebook de Patagonie ! »
Une tradition vivante
Ce n’est pas que du folklore, c’est une vie authentique encore aujourd’hui. Les gauchos vivent dans la steppe, font parfois leurs courses à cheval et se protègent de la pluie sous les ponchos, même s’ils ont aussi des 4×4 et des kways.
Ce que l’Argentine peut nous apprendre
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Résilience et liberté en temps de crise
Le Chapitre III, intitulé “Plus forts que la crise”, prend une résonance particulière après l’épidémie de COVID. Les Argentins sont des experts de la crise : on dit en plaisantant que l’Argentine est en crise tous les 10 ans. Et pourtant la vie continue, des maisons se construisent, des enfants naissent, des projets se forment. En 2016, Alice Pouyat décrivait déjà la résilience argentine, cette capacité de rebondir et s’adapter dans un contexte incertain.
Le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Argentine, Jean-Édouard de Rochebouët, raconte la grave crise économique de 2001: “Moi, j’ai tout perdu. […] On s’endurcit, on s’adapte, on ne s’affole pas au premier obstacle, on devient plus souple, et je crois que l’on a plus de flair. C’est un pays où il faut s’adapter en permanence.”
En pleine pandémie alors que nous étions confinés à Bariloche, une voisine a installé une boulangerie de quartier dans son jardin, un ami mécanicien a commencé à faire de l’artisanat… Par nécessité bien sûr. Mais avec une créativité et une énergie face à l’adversité typiquement argentine. Nous, agence de voyage dans un pays aux frontières fermées pendant 20 mois, nous avons adapté notre activité, sans attendre, sans douter.
Quand tout est incertain, cela donne aussi l’élan de la liberté: Pablo Trapero, réalisateur du film Le Clan, évoque aussi la crise de 2001: “On avait la sensation qu’on pouvait se retrouver à la rue même en faisant des études « traditionnelles » […] Cela nous a donné une certaine liberté pour dire : de toute façon, je n’ai aucune sécurité, alors autant faire ce qui me plaît !”.
Pour nous occidentaux, il est difficile au début d’accepter ces incertitudes. Mais lorsqu’on trouve le moyen de s’adapter, de naviguer dans le sens du courant, on découvre une façon très différente de voir le monde et gérer les imprévus – on doit accepter qu’on ne saura pas tout et qu’il faut pourtant avancer. Un savoir être précieux lorsque le COVID a suspendu nos vies!
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Entraide et Humanisme
Face aux crises et aux distances parfois immenses entre voisins, les Argentins ont développé une solidarité admirable. Les différentes générations s’entraident dans une même famille, les voisins se donnent un coup de main, les comités de quartier viennent en aide aux plus démunis. Lorsqu’une famille perd sa maison, les collectes s’organisent instantanément sur whatsapp. Les volontaires partent parfois à 5h de route pour amener des jouets dans les écoles rurales. Pas d’hésitation au moment de mettre la main à la pâte lorsqu’il faut aider.
Les rituels communs sont nombreux et sacrés. L’asado du dimanche réunit souvent une dizaine de personnes. C’est le pays du maté, qui se partage avec les inconnus – un rituel collectif pour discuter ensemble, prendre le temps de faire tourner le maté chaud, chacun son tour, toujours dans le même ordre.
Ce pays de migrants est aussi capable d’une grande ouverture – en garantissant les droits des étrangers, en adoptant une des législations les plus progressistes au monde en matière de droits humains, de reconstruction après la dictature, et de droits LGBTQIA+. Les Argentins sont aussi de grands voyageurs, dans leur propre pays et à l’étranger. Ils prennent la route pour traverser le pays dans tous les sens, sur le goudron ou les graviers – curieux d’explorer toutes les régions de l’Argentine.
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L’humour envers et contre tout – assumer ses contradictions avec tendresse
Les pays voisins font cette blague : “comment se suicide un Argentin? En sautant du haut de son ego.” La réputation des fiers Argentins auprès des autres pays latino-américains n’est pas toujours bonne: ils se sentiraient supérieurs aux autres. Ce sont pourtant les premiers à se moquer d’eux mêmes, surtout pendant les moments difficiles, et les champions mondiaux des réseaux sociaux – lorsque l’inflation atteint 60%, les memes rivalisent de créativité – on rit malgré tout. C’est un trait de caractère cité par tous les interlocuteurs d’ Alice Pouyat. Ce rire moqueur, tendre et féroce, est un sport national – les plus critiques et les plus fiers défenseurs des Argentins sont les Argentins. Peut-être un point commun avec les Français – nous étions faits pour nous entendre.
Pour continuer votre voyage en Argentine
En résumé, pour rencontrer les Argentins, pour voyager en Argentine où que vous soyez, le temps d’un café, le temps d’un train, le temps d’un voyage – ouvrez les premières pages et laissez vous guider. Ce résumé partiel de l’ouvrage Les Argentins ne lui fait pas justice, mais je l’espère vous a donné envie de vous plonger dans la lecture.
Je laisse à Alice Pouyat le mot de la fin
“Un pays attachant pour sa façon de vivre et d’aimer intensément, mais qui brille aussi par ses milliers de talents modestes et discrets, toutes ces personnes rencontrées en écrivant ce livre, artistes, sportifs, scientifiques, acteurs sociaux, entrepreneurs.”
Envie d’aller plus loin?
- Achetez le livre Les Argentins, en ligne ou dans toute bonne librairie spécialisée.
- Découvrez la collection Lignes de vie d’un peuple des Ateliers Henry Dougier (plus de 50 peuples présentés)
- Consultez notre blog pour continuer à découvrir l’Argentine
- Lisez Mafalda: un concentré de sagesse et d’humour typiquement argentins
- Pour dresser vos propres portraits argentins, nous serons heureux de vous recevoir en Argentine, pays qui nous a accueillis à bras ouverts et que nous continuons d’explorer avec la même émotion qu’au début. Quelques idées d’itinéraires ci-dessous